PROLOGUE
par Françoise CHASERANT
Présidente de l’Académie du Maine
« La culture n’est pas la dentelle du savoir, les connaissances de luxe permettant d’afficher et de creuser les différences mais le flux vital, serein, chaleureux qui irrigue des sociétés cohérentes ». Toute la pense profonde de René Le Capitaine est dans ces mots prononcés lors d’une séance de l’Académie du Maine dans une communication intitulée « De la revendication culturelle populaire ».
Rien ne prédisposait René Le Capitaine à devenir Président de l’Académie du Maine même si, après en avoir été le lauréat pour son livre « J’ai vu Vivre le Portugal », il en fut l’un des plus jeunes membres, comme nous le rappelle Claude Bernaille.
Né d’une famille ouvrière, titulaire d’un brevet professionnel, il commence à 18 ans à travailler comme tourneur à la Régie Renault ou il fera toute sa carrière. Il avait en lui une soif de savoir, un besoin de comprendre, un désir de « penser sa vie au lieu de la subir » comme il l’exprima dans son discours de réception a l’Académie en 1971.
La participation à une troupe de théâtre amateur, la fréquentation d’un ciné-club, la rencontre avec Armand Lanoux vont permettre au jeune ouvrier de franchir le pas : il commence à écrire, il ne cessera jamais.
Retraçant son parcours biographique, Nicole Villeroux souligne la richesse de la personnalité de René Le Capitaine, menant avec la même détermination sa carrière professionnelle et son écriture -vitale- « On ne crée pas pour se distraire, ni pour survivre mais pour vivre, pour répondre a cette exigence d’Être- d’ÊTRE écrit en majuscules » disait-il.
« Avant tout poète » comme le définissait Armand Lanoux et comme en témoigne Michèle Levy, il va, après deux livres, très vite se consacrer at l’écriture de scenarios pour la Radio, la T.V. et le cinéma. Les livres demeurent toujours accessibles – par l’intermédiaire au moins du dépôt légal- les émissions enregistrées enfermées dans les archives de l’INA le sont moins. De ce travail éphémère, seul demeure le texte « brut » qui n’est jamais édité. La publication dans ce Cahier de quelques extraits et les témoignages sur sa méthode de travail – celui entre autres de Gilles Cousin qui réalisa avec lui Rouget le Braconnier- permettent de retrouver une part essentielle de l’œuvre et de la pensée de René.
Homme d’écriture, René Le Capitaine reste un « homme de terrain », les problèmes sociaux seront toute sa vie au cœur de sa réflexion. Après la grève de 1975, la Régie Renault lui confie la première expérience de communication décentralisée. Il s’applique alors à établir une communication linéaire entre les ouvriers, en dehors de toute tutelle patronale ou syndicale. Venant de ce monde ouvrier, avant gravi les échelons, il sait combien il est difficile pour ces hommes de s’expliquer. Son combat de « communiquant » est de créer des liens entre les hommes, les inciter à se poser des questions « Les hommes viennent s’inventorier, l’un l’autre, se reconnaître, examiner leur travail, découvrir confusément en commun, maladroitement encore : formuler, quelquefois : même imaginer » ? Imaginer, c’est créer sa propre destinée.
I1 est apparu essentiel à l’Académie du Maine de rendre hommage à cet humaniste de conviction qui n’a cessé d’affirmer la nécessité de placer l’homme au centre de toutes les préoccupations : « La charnière d’une réconciliation avec la vie, d’une surface culturelle commune doit commencer dans le travail. I1 faut repenser celui-ci, rendre le travail à l’humain, lui restituer ses valeurs… mais c’est un autre chapitre qui, pourtant, est un chapitre culturel ». C’est pour cette culture là que René Le Capitaine s’est continuellement engagé.