Membre de l’Académie du Maine réunis devant le Prieuré
Samedi 4 juillet
L’Académie a tenu sa séance privée mensuelle au Prieuré de St Marceau. Les membres de la Compagnie de Laval et du Mans étaient les invités de notre consœur Marie-Claude PAYEUR-BOULARD, qui nous a organisé la visite guidée du Prieuré au cours de laquelle nous relate l’histoire du passage de saint Julien à Saint-Marceau.
SAINT-JULIEN A SAINT-MARCEAU
par Marie-Claude PAYEUR-BOULARD
L’histoire de Saint-Marceau est liée en grande partie à celle de saint Julien premier apôtre du Maine.
En effet la légende (terme admis par les autorités ecclésiastiques) raconte comment, après avoir accompli son œuvre d’évangélisation, Julien vint finir ses jours à Saint-Marceau; village modeste mais situé au bord de la Sarthe sur la voie romaine reliant l’actuelle Normandie au Maine.
Autour de l’an Mille, après les grandes invasions, il fallait doter les régions et les villes de saints évangélisateurs et thaumaturges afin de consolider la puissance du clergé et développer le culte des reliques. A cet effet l’évêque Avesgaud confie au moine Léthald la charge de refonder et de préciser la geste de Julien. Remarquons qu’à cette même époque le moine chroniqueur Raoul Glaber note le grand élan de constructions pour abriter ces nouvelles dévotions : «C’était comme si le monde entier se revêtait d’un blanc manteau d’églises.»
En 1050, pour honorer la mémoire du saint, Robert de Saint Martial, un seigneur local, fit don à l’Abbaye Saint-Vincent du Mans d’un domaine de 37 hectares où fut fondé un prieuré à vocation agricole. Au XVIème siècle, Alexandre de Langlée fit restaurer le vieux prieuré (certainement en pans de bois) ainsi que le pont sur la Sarthe. Jusqu’à la Révolution il sera géré par un Prieur ; puis il fut vendu comme bien national en 1791. En 1907, la dernière propriétaire légua l’ensemble à la commune de Saint-Marceau après avoir fait construire le clocher. Aujourd’hui restauré, il est un centre d’animations culturelles.
Le Prieuré se présente dans le pur style architectural des manoirs sarthois. Le logis construit sur deux étages et ses bâtiments annexes enserrent une vaste cour ; sur la façade ouest, dominant la Sarthe, une tour hexagonale, couverte en châtaignier, construite hors d’œuvre, abrite un escalier en pierre de forme hélicoïdale ; elle constituait un excellent point d’observation et rappelle le caractère du site installé sur les hauteurs.
La chapelle prieurale est vouée à la mémoire de saint Julien ; c’est un édifice composé d’une simple nef terminée par un chœur à cinq pans, décoré de peintures murales du XIXème ; l’autel est aussi du XIXème ; par contre les deux petits autels de la nef sont du XVIème. Le grand intérêt de la chapelle s’exprime à travers les six vitraux qui ornent ses baies et les trois plaques émaillées du XVIème.
Les vitraux nous offrent la seule iconographie complète qui relate l’histoire de Julien de son arrivée au Mans jusqu’au transfert de ses reliques dans la cathédrale.
Toutes ces scènes sont encadrées par une architecture aux pilastres et aux rinceaux raffinés ; fenêtre dans la fenêtre, ces vitraux répondent aux nouveaux moyens de représentation issus de la Renaissance italienne.
A l’image de la peinture, les sujets de ces scènes fixent, dans une unité de temps, de lieu et d’action, des moments que l’usage combiné de la perspective et du jeu d’ombre et de lumière rend assez réalistes.
Les émaux qui ornent la chasse du maître autel, constitués de trois plaques de cuivre peints, datent de 1567. Leur qualité extrême prouve qu’ils sont issus des meilleurs ateliers limousins.
L’émail de gauche représente une crucifixion «terrestre» : c’est un Christ mort, les yeux fermés, le corps affaissé qui est en croix; il s’agit ici d’émouvoir les fidèles par le spectacle de ses souffrances. La Vierge Marie, saint Jean et Madeleine l’entourent suivant l’iconographie traditionnelle; un ciel d’orage dramatise la scène; un moine agenouillé, saint Benoît, rappelle que ce prieuré est d’obédience bénédictine.
C’est une crucifixion de gloire que l’émail central représente. La glorification du Christ s’appuie ici sur toute une symbolique : un arc de nuages déchiré marque la rupture avec la Synagogue; les 4 anges recueillent le sang du Christ dans une fontaine de vie, renvoyant à l’eucharistie; une couronne de feuillage vert annonce le renouveau. Dans les 4 angles, pour propager la bonne nouvelle, les 4 pères de l’Eglise : saint Jérôme, saint Grégoire, saint Ambroise de Milan et saint Augustin semblent être les témoins de l’évènement.
L’émail de droite représente la Résurrection : le Christ, vainqueur, sort de son tombeau, étendard brandi, main levée en signe de bénédiction. Les gardiens du tombeau, aveuglés par l’apparition, expriment la surprise et l’effroi.
L’artiste a porté une attention particulière aux perspectives et aux modelés ; son souci de précision et de finesse s’exprime aussi bien dans la figuration anatomique du Christ que dans la gestuelle et l’expression des visages ; la dramatisation et l’émotion des scènes s’en trouvent renforcées.
Ce Prieuré de Saint-Marceau, au regard de son plus prestigieux voisin de Vivoin, n’en est pas moins remarquable pour son iconographie homogène et la qualité de l’expression plastique.